Interview de Jacques Creyssel dans le Télégramme
Crise agricole : les enseignes se sont engagées à faire preuve de solidarité et de responsabilité.
Découvrez l'interview de Jacques Creyssel parue dans le Télégramme ci-dessous.
1. La distribution est souvent prise pour cible lors des manifestations des agriculteurs. Que leur répondez-vous ?
Cette crise est très grave. Nous comprenons la détresse des éleveurs mais nous ne pouvons pas accepter que l'on s'en prenne à nos magasins et à nos entrepôts, d'autant que, comme l'a dit le Premier ministre lui-même et certains responsables agricoles, la grande distribution n'est pas à l'origine de cette crise. Les distributeurs n'achètent rien en direct aux éleveurs. Ils achètent aux industriels et ce sont ces derniers qui négocient avec les producteurs. Nous sommes un des éléments de la chaîne agroalimentaire.
2. Comment analysez-vous cette crise agricole ?
C'est avant tout une crise internationale, une crise de l'offre et de la demande. Les coûts supportés par les éleveurs sont nationaux tandis que les cours auxquels leurs produits leur sont achetés sont largement internationaux. L’offre de produits sur le marché européen augmente alors que parallèlement les achats, du fait notamment de l'embargo russe, sont en baisse. Cela se traduit inévitablement par une chute des prix. Les Espagnols ont augmenté leur production porcine de 7% et les Irlandais leur production laitière de 40 %. La crise est d'autant plus vive en France que les coûts supportés par les éleveurs sont supérieurs à ceux des autres pays en raison du niveau des charges sociales, des normes ...
3. Quelles solutions proposez-vous ?
Nos enseignes se sont engagées auprès du premier ministre à faire preuve de solidarité et de responsabilité lors des négociations commerciales qui doivent s'achever à la fin du mois. Elles l'ont d'ailleurs montré concrètement en donnant leur accord au financement d’un fonds de solidarité de 100 millions d'euros en faveur des éleveurs porcins. Mercredi, elles ont signé une charte de valeur avec les producteurs de lait. C'est un accord de méthode en vue notamment de rechercher une valeur d'équilibre lors des négociations commerciales.
Mais toutes ces actions de court terme ne suffiront pas. Des mesures structurelles s'imposent. L'Europe doit mettre en place de la régulation afin de retrouver un équilibre entre l'offre et la demande. Côté français, il faut développer des contrats tripartites permettant aux producteurs d'être acteurs dans les négociations. Pour cela, il faut une vraie interprofession laitière étendue à la distribution. Les industriels n'y sont pas favorables mais l'Etat pourrait sans problème l'imposer.
De même, nous plaidons pour une réforme des cotations du porc, avec un vrai marché à terme.
Enfin, il faut jouer la carte de la qualité. La France ne produit pas assez de porc bio par exemple. Elle importe aujourd'hui les deux tiers du porc bio quelle consomme. Et pourtant le producteur en retire un prix deux à trois fois supérieur à celui d'un porc non bio.
4. Il est reproché à la loi de modernisation de l'Economie de favoriser les distributeurs ? Certains veulent la changer. Qu’en pensez-vous ?
Ce n'est pas par la loi qu'on règlera des problèmes aussi complexes. Nous préférons des codes de bonne conduite, dans un esprit de transparence totale de tous les acteurs. Nous, par exemple, nous avons publié nos marges nettes par rayon. Ces marges sont négatives pour les viandes fraiches et à peine positives pour les produits laitiers .Nous souhaitons que les industriels du lait fassent preuve du même souci de transparence, ce qui n'est pas le cas.